Projet Fakir par Jean Yves Guillemin:
"La gare n'est plus très loin. De la place Darcy, j'aperçois le galet oblong posé à plat sur le sommet de l'ancien bâtiment cylindrique. Il me fait penser à une obsidienne bleue-nuit polie par la pluie.
C'est une bulle de verre recouverte d'une peau d'acier perforée qui abrite maintenant la nouvelle salle des pas perdus de la gare de Dijon. Troublante sensation : l'impression d'une masse dense et opaque de l'extérieur, mais quasi transparente de l'intérieur grâce aux millions de perforations de l'enveloppe d'acier. La nuit, c'est au contraire une boule de lumière que l'on voit de très loin dans la ville, un repère.
J'entre dans le hall en rez-de-chaussée, transformé en espace marchand : journaux, cafés, commerces ; des hôtesses offrent aux voyageurs une petite boîte d'acier ajouré, qui contient des échantillons de moutarde, de crème de cassis, de pain d'épices : c'est l'ouverture de la foire gastronomique.
Au centre, deux ascenseurs transparents desservent silencieusement « l'obsidienne ». Le long des murs courbés, une rampe hélicoïdale sur laquelle glisse un tapis roulant emmène les voyageurs moins pressés vers l'étage. Je monte le long de la rampe avec ma valise sur coussin d'air. Les voyageurs s'activent, achètent un dernier journal, dégustent un dernier café avant le départ.
J'arrive dans la nouvelle salle des pas perdus, et c'est un émerveillement : une lumière douce enveloppe les lieux dans une ambiance sereine et une vue panoramique de la ville s'offre à moi dans une perspective à 360°. Quelques toiles intéressantes d'artistes locaux sont exposées.
Seul le cliquetis du panneau central d'affichage trouble la quiétude ambiante. Des fauteuils club de cuir noir sont installés en périphérie de la salle, face à la ville. Je m'y enfonce un instant juste pour goûter ce spectacle privilégié et admirer la nouvelle façade contemporaine de la Grande Taverne. A gauche, un couple d'amoureux échange à voix basse des sanglots refoulés.
L'horloge holographique indique que je dois me rendre sur le quai 4. Le panneau électroluminescent de la sortie « Passerelle » clignote. S'ouvrent alors deux larges portes coulissantes. Je découvre un spectacle surprenant : la semi-transparence du sol laisse percevoir sous mes pieds le mouvement des trains qui se glissent à quai souplement, comme des truites obéissantes.
Les caténaires semblent se tendre en un appel à funambule que je ressens instantanément, mêlé à la foule de voyageurs qui se pressent maintenant sur la passerelle. Un dernier regard aux douze clochers de la ville et les voyageurs empruntent, qui l'ascenseur, qui l'escalier d'accès au quai.
J'aperçois alors, au bout de la passerelle, un ouvrage d'acier quasi eiffelien qui m'intrigue au point de me risquer à manquer mon train. Tant pis, ma curiosité l'emporte et n'est pas déçue : un magnifique escalier sculptural d'acier rouillé, couleurs d'automne, dessert en s'y intégrant comme un arbre d'une essence inconnue, le Jardin de l'Arquebuse !
Je redécouvre ce merveilleux jardin botanique et ses cinq hectares vus d'oiseau. Le temple d'amour me tend les bras.
C'est décidé : je prendrai le train suivant…"
Réagissez sur notre site en cliquant sur [img][/img]
Dernière édition par Olivier le Lun 23 Mar - 11:48, édité 3 fois