Quatrième proposition, dans nos colonnes, d’un membre du collectif d’architectes Fakir pour voir la ville autrement. Cette fois, Lionel Lance fait disparaître l’église Saint-Michel.
«Aujourd’hui, on ne se préoccupe plus de la poésie d’un bâtiment, des émotions qu’il procure, mais juste de sa consommation énergétique », regrette Lionel Lance, architecte et membre du collectif Fakir. « Je ne suis pas contre le développement durable, au contraire. Mais je ne veux pas d’un discours monomaniaque autour de la seule question de l’énergie dépensée. »
C’est pour faire réfléchir autour de cette problématique que Lionel Lance imagine la destruction de l’église Saint-Michel. Ultime provocation. Une manière, surtout, de marquer les esprits. « C’est un prétexte. Cela aurait pu être n’importe où ailleurs, mais j’ai choisi cette église parce que, pour moi, c’est la plus belle de Dijon. Et c’est aussi celle où je me suis marié », confie-t-il.
Un bâtiment énergivore
Mal orienté, haut de plafond, cet édifice ne correspond pas aux critères actuels. Faut-il pour autant détruire le patrimoine du passé sous prétexte qu’il est dispendieux en énergie ?
C’est là toute la question posée par l’architecte. « L’église Saint-Michel sert de rond-point, aujourd’hui. On pourrait se dire que c’est un bâtiment qui consomme beaucoup et qui ne sert presque plus à rien. »
En lieu et place de l’édifice, pas de construction dans le projet fou de Lionel Lance. « Je n’ai pas la prétention de rivaliser avec un bâtiment aussi bien construit », explique-t-il. « Ce que j’aimerais, c’est que dans les réalisations actuelles, on se pose les questions que l’on se posait à l’époque : est-ce que le bâtiment est beau ? Est-ce qu’il va dans son environnement ? Aujourd’hui, on regarde le prix du bâtiment et sa consommation.
Tout le monde parle BBC ( bâtiment basse consommation), panneaux solaires, pompe à chaleur… On s’en fout ! Tout ça, c’est du marketing. Derrière, il y a des industriels qui vendent des produits.
Des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes, ça ne m’a jamais procuré d’émotion. Quand je me balade dans la rue, je préfère voir l’église Saint-Michel qu’une boîte à chaussures avec des panneaux solaires ! »
Politiquement incorrect
Critique de la société de consommation, de l’“intégrisme écologique” (que l’architecte désigne par le terme “les Khmers verts”), le projet de Lionel Lance se veut surtout une réflexion sur la société. « Faire un bâtiment BBC en pleine campagne et avoir un gars qui fait 50 km tous les jours pour rejoindre son travail… Je ne vois pas ce qui est développement durable… », note-t-il. Avant d’ajouter : « Mais ce n’est pas politiquement correct de dire ça ! »
Quant à l’église Saint-Michel, est-il possible de la voir un jour réellement disparaître ? « Ce ne serait pas un bâtiment religieux, je pense qu’il aurait déjà pu être détruit », répond le membre du collectif Fakir. « Pourquoi les tours sautent-elles ? Pour faire d’autres tours… “écologiquement correctes”. »
Cloé Makrides cloe.makrides@lebienpublic.fr